ANALYSE APPROFONDIE GENRE EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Adeline BLETI, membre de l'association des victimes de Bria s'apprête à aller vendre ses savons au marché
Auteur-e(s): 
APEDO-AMAH Adakou Djémoko : Cheffe de mission
Date de publication: 
Mercredi 19 juin 2024

CONTEXTE
La République Centrafricaine (RCA) a connu une série de crises depuis 1990 qui ont eu pour conséquence l’aggravation de la pauvreté et de l’insécurité ; l’inégalité entre les hommes et les femmes s’est donc accentuée. Ces inégalités de genre se caractérisent par des inégalités entre les femmes et les hommes défavorables aux femmes sur tous les plans traduites par leur surcharge des travaux domestiques, les rapports déséquilibrés entre elles
et les hommes, leur plus faible accès que les hommes aux ressources productives et à leur contrôle (foncières, financières, etc.) ; à la gestion des affaires publiques et une plus faible jouissance de leurs droits avec une faible prise en compte de leurs préoccupations, besoins, pratiques et intérêts stratégiques et perspectives dans les politiques publiques dans tous
les secteurs de développement au niveau national et local. Au vu de ce constat, Oxfam s’est donc engagée dans sa stratégie pays en République Centrafricaine, à promouvoir la justice de genre et combattre les violences à l’égard des femmes et des filles à travers ses deux programmes. Après avoir exploré préalablement les dynamiques genre en 2018 sur le territoire centrafricain et particulièrement dans ses six bases d’intervention (avec deux de WHH), il est question cette fois-ci d’aller plus loin en réalisant une analyse genre encore plus approfondie, afin de renforcer sa compréhension du contexte genre dans la crise actuelle (incluant les défis et les opportunités) pour une meilleure intégration de cette dimension dans sa vision sur le triple nexus. C’est dans cette optique que la firme de consultation Oversee Advising (OAG) Group avait été cependant choisi
pour mener cette analyse genre approfondie.

PORTEE DE L’ETUDE: 

Nous distinguons ici la portée chronologique de la portée géographique et thématique. Alors, l’étude globalement a été réalisée sur une période de 61 jours homme sur une période de trois mois et demi (du mois d’octobre 2022 à mis janvier 2023) et s’est focalisée sur les zones d´intervention d´Oxfam et WHH (Batangafo centre et sur les axes, Bria centre et sur les axes, Paoua centre et sur les axes, Bangassou centre et sur les axes, et deux autres zones de projet de WHH qui sont Ndjoukou dans la Kemo et Birao dans la Vakaga) en RCA (République Centrafricaine). Pour ce qui est des thématiques abordées, l’étude s’est intéressée de façon approfondie sur le triple nexus, le genre et la consolidation de la paix, le genre en lien avec le développement économique et social.

Méthodologie:
Pour obtenir ces informations, nous avons donc en dehors de la revue documentaire, procédé tour à tour dans chacune des six bases à faire :Des Entretiens semi-directifs avec
pour cibles des responsables locaux du Ministère des Affaires sociales, les chargés de protection des organisations humanitaires internationales exerçant en RCA, les responsables des ONG locales exerçant dans chaque zone d’intervention d’OXFAM, les responsables des organisations de la société civile présentes dans chaque zone d’intervention et enfin les responsables des autres organisations de femmes à quelques titres que ce soit ;Des entretiens individuels avec pour cibles des femmes et des hommes, considérés comme des personnes clés pris individuellement ; Des discussions de groupe avec pour cibles : les femmes, les filles, les hommes et les garçons choisis de façon aléatoire dans les communautés retenus et constitué-e-s en groupes par sexe.

LIMITES
Nous notons en terme limites, l’insuffisance de la durée de la formation ; en effet, les deux jours prédéfinies pour la formation des équipes de protection genre retenus étaient trop courts pour doter ces participant-e-s des compétences en matière d’analyse et intégration de genre qui leur permettront d’être opérationnel-les en la matière dans leur secteur. Sur le plan matériel, l’absence de tableaux conférenciers a été un handicap pour les exercices de brainstorming. Bien plus, l’on note également le ciblage inadéquat des participant-e-s à la formation qui pour la majorité n’étaient pas des personnels d’OXFAM ou de WHH ou membres des structures communautaires de protection alors qu’il était question de doter ces personnels des compétences requises pour être en mesure, dans le cadre de leur travail habituel, de procéder à l’analyse genre des interventions de
leur portefeuille. Hétérogénéité des profils d’éducation des participant-e-s : la variation des niveaux scolaires allant de l’analphabétisme au niveau collège ne peut permettre une bonne assimilation des contenus de la formation malgré les traductions quasi-simultanée dans la langue Sango. On relève aussi la non-implication des personnels des autres secteurs spécifiques. Transcription : ce travail confiée à des agents de saisie pas toujours aptes recruté-e-s parmi les enquêteurstrices, ayant occasionné des pertes de données avec certaines fiches de FGD saisis qui n’ont pas été retrouvés (1 au niveau de Bria et 4 au niveau de Ndjoukou).
Plusieurs constatations ont été faites à l’issu de la collecte des données puis, analysées. Parmi elles, les plus marquantes sont : Sur le plan général, l’on a surtout relevé le statut d’infériorité de la femme par rapport à l’homme traduit par une division du travail défavorable à la femme, une obéissance ou soumission à leurs maris ; faible accès aux ressourceset à leur contrôle, une faible participation aux sphères décisionnelles, une faible jouissance de leurs droits ;Sur le plan sectoriel, notamment en ce qui concerne le domaine eau hygiène et assainissement, nous avons observé la lourdeur de la corvée de recherche d’eau dans le ménage supportée par les
femmes alors que l’homme est peu ou pas concerné, les risques de viols ou agression sexuelle encourus par les femmes et filles pour la recherche de l’eau de source dans des endroits éloignés, seules sans assistance de maris, le contrôle de la gestion de l’eau aux niveau des ouvrages hydrauliques (puits d’eau, forages) est plus dominé par les hommes au détriment des femmes, même quand elles sont présidentes, alors qu’elles sont qui sont pourtant les responsables de l’approvisionnement de a famille, des
ménages en eau ; Sur le plan de la sécurité alimentaires et des moyens d’existence, les femmes sont des principales pourvoyeuses de la nourriture, plus actives que les hommes en matière de cultures vivrières sur toute la chaîne de valeur agricole (en dehors du défrichage), situation très accentuée dans certaines zones où les hommes font plus la pêche et ou la chasse ; accès difficile des femmes aux ressourcesnotamment la terre de bonne qualité et très rarement son contrôle qui reste la prérogative des hommes ; contrôle nul ou faible sur leurs revenus issus des ventes des récoltes accaparés par leurs maris pour leurs pour leurs propres besoins sans aucun égard pour femmes et les enfants (alcoolisme, nouvelle épouse, etc.) avec violences physiques en cas de résistance entre autres ;En matière de construction de la paix, l’on  a constaté une faible représentation des
femmes malgré sa plus grande participation et activisme remarquable à lasuite des conflits armés, un accès plus difficile des femmes aux ressources (informations, instruments juridiques, etc.) et des besoins pratiques relevés :formation, alphabétisation fonctionnelle, supports de sensibilisation, moyens de déplacement, etc.


PRINCIPAUXRESULTATS

Plusieurs constatations ont été faites à l’issu de la collecte des données puis, analysées. Parmi elles, les plus marquantes sont : Sur le plan général, l’on a surtout relevé le statut d’infériorité de la femme par rapport à l’homme traduit par une division du travail défavorable à la femme, une obéissance ou soumission à leurs maris ; faible accès aux ressources et à leur contrôle, une faible participation aux sphères décisionnelles, une faible jouissance de leurs droits ; Sur le plan sectoriel, notamment en ce qui concerne le domaine eau hygiène et assainissement, nous avons observé la lourdeur de la corvée de recherche d’eau dans le ménage supportée par les femmes alors que l’homme est peu ou pas concerné, les risques de viols ou agression sexuelle encourus par les femmes et filles pour la recherche de l’eau de source dans des endroits éloignés, seules sans assistance de maris, le contrôle de la gestion de l’eau aux niveau des ouvrages hydrauliques (puits d’eau, forages) est plus dominé par les hommes au détriment des femmes, même quand elles sont présidentes, alors qu’elles sont qui sont pourtant les responsables de l’approvisionnement de a famille, des ménages en eau ;Sur le plan de la sécurité alimentaires et des moyens d’existence, les femmes sont des principales pourvoyeuses de la nourriture, plus actives que les hommes en matière de cultures vivrières sur toute la chaîne de valeur agricole (en dehors du défrichage), situation très accentuée dans certaines zones où les hommes font plus la pêche et ou la chasse ; accès difficile des femmes aux ressources notamment la terre de bonne qualité et très rarement son contrôle qui reste la prérogative des hommes ; contrôle nul ou faible sur leurs revenus issus des ventes des récoltes accaparés par leurs maris pour leurs pour leurs propres besoins sans aucun égard pour femmes et les enfants (alcoolisme, nouvelle épouse, etc.) avec violences physiques en cas de résistance entre autres ;En matière de construction de la paix, l’on a constaté une faible représentation des femmes malgré sa plus grande participation et activisme remarquable à la suite des conflits armés, un accès plus difficile des femmes aux ressources (informations, instruments juridiques, etc.) et des besoins pratiques relevés :formation, alphabétisation fonctionnelle, supports de sensibilisation, moyens de déplacement, etc.Sur le plan socioéconomique, une faible scolarisation des filles,
analphabétisme plus accentué chez les femmes a été notée, des cas de VBG (les femmes beaucoup plus touchées par ces phénomènes que les hommes, déni de ressources, agression sexuelle, agression physique, viols, mariages précoces et forcés, excision), une faible ou très faible accès aux sphères de décision dans le législatif, municipal, CTD, etc., au niveau local et national et enfin un faible accès à la terre, au financement, aux capital humain, etc.

Dans les trois secteurs :

Limitation à la représentation physique des femmes dans les activités de formation, aux besoins pratiques des femmes et filles, célébration des journées internationales ou régionales de droits des femmes sans adresser
les véritables questions de genre qui se posent dans les trois secteurs (inégalités défavorables aux femmes dans la division du travail, l’accès aux ressources productives et leur contrôle, participation à la prise de décision,
jouissance des droits sociaux et économiques, etc.) ;Mise en oeuvre insuffisantes des normes minimales d’OXFAM en matière de genre en situation d’urgence (dispositif de suivi inexistant) ; Capacités institutionnelles à prendre en charge les questions de genre à questionner semblent insuffisantes au niveau coordination et des bases sur le plan sectoriel : i) gender balance au niveau de l’effectif global et du top management, ii) présence de ressources spécialisées pour le suivi des questions de genre, iii) capacités du personnel clés en matière de genre, iv) suiviévaluation sensible au genre, budgétisation sensible au genre. 

Leçons apprises
L’intégration des questions de genre dans les interventions des différents secteurs sans une analyse genre préalable est réduite souvent à une représentation quantitative et ne peut apporter de changement significatif dans les inégalités entre les femmes et les hommes. Ces actions contribuent plutôt à les faire perdurer dans le temps ;

PRINCIPALES

Recommandations à l’endroit d’OXFAM

Renforcement des capacités institutionnelles et de planification : renforcer les capacités institutionnelles des organisations en matière de genre (analyse et intégration) à travers : L’élaboration d’un plan d’opérationnalisation des politiques et stratégies genre des organisations ; L’élaboration d’un guide d’intégration du genre dans les interventions de différents secteurs ; La création de postes de spécialistes des questions de genre dans toutes
les bases, séparément du staff protection ; L’adoption de la démarche ou de l’approche de la budgétisation sensible au genre ; L’intégration de l’aspect genre dans la fonction de suivi-évaluation.

Recommandations à l’endroit d’OXFAM et WHH

Renforcement des capacités institutionnelles et de planification : renforcer les capacités institutionnelles des organisations en matière de genre (analyse et intégration) à travers : L’élaboration d’un plan d’opérationnalisation des politiques et stratégies genre des organisations ; L’élaboration d’un guide d’intégration du genre dans les interventions de différents secteurs ; La création de postes de spécialistes des questions de genre dans toutes les bases, séparément du staff protection ; L’adoption de la démarche ou de l’approche de la budgétisation sensible au genre ; L’intégration de l’aspect genre dans la fonction de suivi-évaluation.

Renforcement des compétences en matière de genre :
Veiller à la formation structurée et régulière des personnels clés en matière de genre . Renforcement de l’intégration du genre dans la planification et la budgétisation des interventions des secteurs :Assurer la prise en compte effective et efficace des questions de genre dans le processus de planification, les programmes et projets et leur budgétisation à travers :La présence d’une expertise avérée dans les questions de genre ;
La mise en place d’un mécanisme de contrôle de la prise en compte du genre, par exemple un check List pour l’appréciation de la prise en compte du genre ; La disposition des outils appropriés d’intégration du genre dans la planification et la budgétisation tels que : Un guide méthodologique pour l’intégration des questions de genre dans les programmes et projets ; un guide méthodologique pour l’intégration des questions de genre dans le processus de budgétisation.

Partenariat :

Renforcer la synergie entre tous les acteurs pour la mise en oeuvre effective du triple nexus Humanitaire-Développement-Paix. Recommandations relatives aux secteurs clés Il s’agit de mieux adresser les questions de genre pour obtenir les changements souhaités dans les inégalités de genre au niveau des différents secteurs spécifiques. 

Eau, Hygiène et Assainissement: 

Renforcer l’accès des femmes aux moyens/équipements et installations : Doter les femmes/ménages d’équipements et matériels de transport et de conservation de l’eau avec les formations appropriées ; Développer les capacités des femmes en matière de réparation et d’entretien des ouvrages hydrauliques avec formation des femmes et parallèlement à celle des hommes ; Etendre la construction des puits d’eau et la formation à leur entretien dans tous les villages ; Renforcer la prise en compte de l’hygiène menstruelle dans les interventions du secteur : formation des filles et des femmes à l’hygiène menstruelle, et en matière de fabrication et vulgarisation des serviettes hygiéniques lavables ; construction d’installations sanitaires communautaires conformément aux normes requises ; Impliquer d’une manière particulière les hommes dans les activités de promotion de l’hygiène à travers la sélection des volontaires masculin pour la promotion de la santé et l’entretien des ouvrages d’EHA. 

Sécurité alimentaire et moyens: 

Renforcer l’accès des femmes aux moyens ou ressources de production d’existence

Former les femmes aux techniques culturales modernes, création de pépinières, avec l’introduction de nouvelles variétés de spéculations vivrières et d’agroécologie ; les doter des outils aratoires de seconde génération ;
Doter les femmes et les hommes des équipements modernes de transformation appropriés des produits agricoles y compris de séchage du manioc ; Conscientiser les communautés et les hommes sur les avantages pour la communauté des conditions de travail améliorées des femmes avec facilitation de l’accès aux ressources : terre de bonne qualité ; gestions des revenus issus des ventes des récoltes ;

Autonomisation économique:

Appuyer le développement des AGR agro-artisanales des femmes avec inclusion des hommes ;Former les couples à la gestion des revenus familiaux et sur les droits économiques des femmes et des hommes ; Former les chefs coutumiers sur les questions de la participation des femmes dans la gestion des revenus familiaux

Education nutritionnelle

Initier les femmes et les hommes à de nouvelles recettes variées et plus équilibrées pour l’alimentation et la nutrition appropriée de la famille ; Sensibiliser les hommes sur la nécessité d’une alimentation variée et équilibrée pour une bonne nutrition de la famille. Renforcement de l’accès des femmes à la prise de décision (action transversale aux 3 secteurs): Assurer la formation des femmes en leadership ; Appuyer la mise en place de groupes d’hommes défenseurs des droits des
femmes Sensibiliser les communautés sur la participation des femmes à la prise de décision relatives aux actions politiques et stratégiques liées à la sécurité alimentaire.

Construction de la paix

Renforcement des capacités institutionnelles:

Appuyer la création de centre de ressources (documentaires et autres)sensibles au genre sur la paix avec les productions de supports de sensibilisation ; Apporter des appuis logistiques (moyens de déplacement, etc.) pour le déploiement des sensibilisations dans les villages ; Renforcement des capacités techniques Appuyer la mise en place d’un dispositif de formation permanent et structuré sur le développement du leadership féminin, la paix, les droits de la femme et l’alphabétisation fonctionnelle des femmes. Renforcement du cadre juridique en matière de genre et paix Faire un plaidoyer auprès du gouvernement pour l’application de la loi sur la parité dans les structures de recherche de la paix au niveau local et la mise en oeuvre du Plan d’action de la Résolution 1325 des Nations Unies « Genre, Sécurité et Paix » et de ses résolutions connexes ; Procédera la vulgarisation des cadres légaux de protection des droits des femmes et de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes en RCA.