Une approche intégrée pour répondre aux besoins des personnes confrontées à une crise humanitaire chronique et aux pics de violence
Les zones de Batangafo, Bria et Bangassou sont particulièrement touchées par la crise humanitaire que vit la République centrafricaine (RCA) depuis 2013. Les affrontements armés fréquents, le contexte sécuritaire instable et la violence répandue, entraînent des mouvements de population, réduisant l'accès aux moyens de subsistance et la sécurité alimentaire et augmentent les inégalités sociales et les disparités de genre. Le manque d'infrastructures de base rend difficile l'accès de la population aux services essentiels, notamment à l'eau potable et aux services de protection pour les survivant.e.s de violence. Le pic de violence déclenché par les élections de décembre 2020 n'a fait qu'accroître les besoins d'une population déjà extrêmement vulnérable, principalement pour les femmes qui constituent plus de 50% de la population totale.
Pour répondre à l'augmentation des besoins à Batangafo, Bria et Bangassou, Oxfam, grâce au financement du Bureau d’Assistance Humanitaire de l’USAID (OFDA), est intervenu pour améliorer la sécurité alimentaire et l’accès aux moyens de subsistance, à l'eau potable, aux infrastructures d’hygiène et assainissement et aux services de protection contre les violences sexuelles et basés sur le genre (VSBG) pour les plus vulnérables, tout en s’assurant de la prise en compte du genre de manière transversale.
« La situation humanitaire était déjà préoccupante depuis le début du conflit dans le pays. Les populations étaient confrontées à de nombreux défis tels que le manque d’eau potable, de nourritures et une paupérisation sans précédent. Les regains de violences liées aux élections dans la région ont empiré cette situation », explique Birame Sarr, Directeur Pays d’Oxfam.
L'accès à l'eau : un défi quotidien
Comme dans beaucoup de localités du pays, les populations de Bria, Batangafo et Bangassou sont confrontées à des difficultés d'accès à l'eau potable en quantité suffisante, impactant surtout les conditions de vie des femmes et des filles qui sont responsables de la collecte de l´eau. Les données recueillies par Oxfam et ses partenaires entre novembre 2019 et février 2020 ont montré que seulement 22% des ménages interrogées à Bria et 32% à Bangassou avait accès à l’eau potable. Alors que le pourcentage de ménages ayant accès à l'eau potable était plus élevé à Batangafo (65%), 55% d’entre eux n’avaient pas accès à 15 litres d'eau par personne par jour. De même, à Bria et Bangassou, 56% et 76% respectivement de ceux qui avaient accès à l'eau potable n’atteignent pas le standard minimal d'urgence de 15 litres par personne par jour. L'insécurité et le manque d'infrastructures font partie des principaux obstacles à l'accès à l’eau, avec de graves conséquences sur la santé des populations et une augmentation de la charge de travaux domestiques pour les femmes et les filles, sans oublier les risques de VSBG dans le parcours de collecte d´eau sur une longue distance.
L'intervention d'Oxfam pour répondre aux besoins en eau potable reposait sur deux piliers: garantir l'accès à l'eau potable aux populations déplacées et améliorer les infrastructures existantes dans les villes, qui de manière indirecte réponde aux besoins spécifiques des femmes et réduit les risques d´expositions aux VSBG au niveau communautaire. Dans les camps de déplacés de Bria et Batangafo, les réseaux gravitaires qui sont des systèmes de purification et de distribution d’eau potable ont été étendues, garantissant l'accès à l'eau potable à environ 80 000 personnes, facilitant l´accomplissement des tâches ménagères dédiées aux femmes et aux filles. Entre Bria, Bangassou, Batangafo et leurs environs, 14 points d'eau et forages ont été construits ou réhabilités.
« La fontaine nous aide beaucoup. Auparavant, on n’avait pas d’eau potable. Les habitants du village s’approvisionnaient dans la rivière, pourtant l’eau n’est pas propre. On en souffrait beaucoup. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas; les gens sont contents » témoigne Thibault Ouelegue, Secrétaire Général du Comité de gestion du point d’eau de Sigborolo dans la préfecture de Mbomou.
A Mbangui-Goro, une localité située à environ 10 kilomètres de Bangassou, les deux points d’eau réhabilités sont devenus les sources principales d’approvisionnement en eau, avec un impact positif sur la santé des habitants et la sécurité des femmes et filles chargées de collecter l’eau.
« Avant la réhabilitation de ces points d’eau, les cas des maladies liées à l’eau sale et impure étaient énormes » explique le Chef du village du Mbangui-Goro.
Une approche communautaire pour améliorer des conditions de vie insalubres
L'accès à l'eau potable n'est pas le seul facteur affectant le bien-être et la santé des personnes. L'accès à des infrastructures d'hygiène et d'assainissement sûres et dignes est crucial pour réduire les maladies et améliorer les conditions de vie. La prévalence des latrines en plein air dans la communauté et le nombre insuffisant de latrines et de douches opérationnelles dans les camps de déplacés de Bria et Batangafo constituaient un risque pour la santé et le bien-être des personnes. Dans le camp de déplacés de Batangafo, par exemple, Oxfam avait constaté qu'il y avait seulement une latrine pour 71 personnes et une douche pour 126 personnes.
« La plupart des latrines étaient des latrines d’urgence qu’il fallait transformer en latrines de semi-urgence. Il y avait aussi le defi d’entretien des latrines et leur appropriation par les communautés. Au niveau communautaire, il y avait des problèmes de défécations à l’air libre. Le nombre des latrines était trop faible, donc nous avons appuyé la construction de latrines familiales. Nous avons donné des dalles, un appui financier et technique et les familles ont pu construire des latrines » explique Mohamadou Dia, Manager Technique WASH d’Oxfam.
Entre octobre 2020 et septembre 2021, Oxfam a construit ou réhabilité 70 latrines et 70 douches dans chacun des camps de Bria et Batangafo. Dans la ville de Batangafo, avec l’appui d’Oxfam, 50 latrines familiales ont été construites dans les quartiers de retour. Dans la province de Bangassou, 6 latrines ont été construites dans deux centres de santé.
Du partage des connaissances visant à encourager des changements positifs de comportement en matière d'hygiène et d'assainissement, à l'appropriation des activités et des nouvelles infrastructures, la consultation et la participation équitable des communautés ont été essentielles.
Les préfectures de Batangafo, Bria et Bangassou sont chroniquement touchées par l'insécurité alimentaire et les cas de violences basées sur le genre, en plus des autres types de problèmes liés à l’eau.
Réponse globale à l’insécurité alimentaire
Les Sous-préfectures de Batangafo, Bria et Bangassou sont chroniquement touchées par l’insécurité alimentaire. Selon le Cadre Intégré de Classification de la sécurité alimentaire (IPC) de Septembre 2019, Batangafo et Bria étaient classés en niveau d’urgence (IPC Phase 4). Dans les deux sous-préfectures tant les populations déplacées que les communautés hôtes sont confrontées à des difficultés d’accès alimentaire et d’accès aux moyens d’existence. Les faibles capacités productives, le manque des produits de première nécessité, un accès limité aux terres agricoles et à l’exploitation d’élevage – lié à l’insécurité et aux déplacements forcés fréquents – sont parmi les principales causes du niveau préoccupant de l’insécurité alimentaire. Pour appuyer les communautés les plus touchées à acheter de biens de première nécessité ou à développer des activités génératrices de revenus, Oxfam a organisé de transferts monétaires à 400 personnes à Bria dont 320 femmes, 50 à Bangassou dont 42 femmes et 50 à Batangafo dont 34 femmes dans la période du projet.
« Je me suis refugiée dans la brousse pendant trois mois. J’avais perdu tout ce que j’avais : mobiliers, ustensiles de cuisine, stocks alimentaires […]. Grâce à ce projet, j’ai pu payer les frais de scolarité et les fournitures de mes enfants et investir le reste dans l’achat de vivres », témoigne Christine Lindande qui a fui sa maison entre janvier et mars 2021 pendant la crise électorale.
L'autonomisation économique et la sécurité des femmes au centre de l’intervention
Les VSBG restent très répandues en RCA. Souvent, l´insuffisance d´accès aux soins médicaux et psychologiques répondant aux ces types de violence sont exacerbés à cause de l'exclusion sociale et la situation sécuritaire. Les principales raisons sont la stigmatisation des survivant.e.s, l’impunité des agresseurs, la restriction de la liberté de mouvement à cause de l´insécurité et les différentes barrières sociales affectant particulièrement les femmes. Le rétablissement est un processus à long terme, en particulier lorsque les survivant.e.s perdent leurs moyens de subsistance et sont rejetées par leur entourage immédiat. Afin d'accompagner les survivant.e.s sur le chemin du rétablissement, Oxfam a mis en place un appui financier, des cours d'alphabétisation et de notions basiques sur les droits humains, des formations professionnelles orientées vers des activités génératrices de revenus.
A Bangassou, les membres d’une association de la société civile du quartier Gbiakota ont participé aux activités et elles ont investi l'argent reçu dans l’élevage et la vente de bétails.
« Cet argent servira à faire face aux urgences et autres besoins de nos membres », confie Mme BALEGUE. Leur ambition? Devenir totalement autonomes aussi bien socialement qu’économiquement.
« A Bria, nous avons mis en place dix groupes d’Epargne Pour le Changement (EPC) qui, nous espérons, permettront aux bénéficiaires, les femmes pour la majorité, d’être économiquement autonomes. C’est très important aujourd’hui car les femmes commencent déjà à emprunter l’argent pour exercer des petits commerces et redynamiser le marché » explique Tanto Ag Mohamed, Responsable Sécurité Alimentaire et Moyen d’Existence à Oxfam à Bria.
La protection au niveau communautaire est une composante essentielle des activités d'Oxfam en RCA. A Bangassou, Batangafo et Bria, les femmes membres des structures communautaires de protection locale reçoivent l’appui technique et financier d´Oxfam pour mener des activités de sensibilisation dans leurs communautés sur les VSBG, faciliter le référencement des survivant.e.s vers des structures médicales et des maisons d’écoute et contribuer à leur réintégration socio- économique.
« Il y a de plus en plus de dénonciations des cas de violences basées sur le genre, ceci grâce aux séances de sensibilisation [et la confiance établie] chose qui n’était pas possible avant», explique un responsable d’un comité de protection.