L'alphabétisation des femmes, pilier d'un avenir égalitaire et durable en République centrafricaine
Stevia, Slass et Augustine s'exercent aux calculs. ©Diletta Salviati/Oxfam
Aujourd'hui, le monde célèbre la journée internationale des droits de la femme. C'est une journée pour célébrer les nombreuses avancées réalisées par les femmes à travers le monde dans les domaines du développement social, de la science, de la politique et de la paix, etc. En même temps, c'est un moment qui nous rappelle que le chemin à parcourir pour atteindre la parité des genres est encore long et qu’on a aussi besoin de l’engagement des hommes.
En République centrafricaine (RCA), les femmes et les filles - qui représentent 51 % de la population - continuent de subir de manière disproportionnée le poids de la guerre : les violences sexuelles, les déplacements forcés, l'extrême pauvreté et le manque d'accès aux services essentiels sont des réalités quotidiennes. Selon OCHA, en 2022, 1,6 millions de femmes auront besoin d'une aide humanitaire. Cela représente plus de la moitié de la population féminine du pays.
En plus de la violence armée liée au conflit, les femmes et les filles centrafricaines sont exposées à une discrimination structurelle. En effet, la RCA a l'un des plus faibles taux d'égalité homme-femme du monde (159ème sur 162). Une société patriarcale où l'accès à l'éducation, à la justice et à l'espace public est plus faible pour les femmes que pour les hommes.
« Depuis la classe CI [école primaire] mon père a dit que ce n’était pas bien pour une femme d’aller à l’école […] Ce cours est vraiment fantastique. J'ai l'impression d'avoir été aveugle avant et maintenant j'ouvre les yeux. Après avoir été attaquée, je ne pouvais pas dormir. Maintenant que j'apprends à lire, écrire et compter, je pense à cela le soir et je peux enfin dormir à nouveau. Pour d'autres femmes comme moi, qui ont survécu à la violence, les études pourraient être la meilleure aide pour tourner la page sur ce qui s'est passé. » Slass, 30 ans et actuellement inscrite au cours d'alphabétisation dispensé par ACP avec le soutien financier de Oxfam à Batangafo.Des pratiques sociales néfastes, comme les mutilations génitales féminines, le sororat et le lévirat, perdurent. Le taux d'analphabétisme est de 75% chez les femmes alors qu'il est de 53% chez les hommes. C'est à la fois la cause et le résultat de l'inégalité des genres. Ceci génère la pauvreté et entretient le cycle négatif empêchant les femmes et les filles centrafricaines de réaliser leur plein potentiel, de vivre en sécurité et de voir leurs droits pleinement respectés, de participer dans la prise de décision et dans les efforts de construction et maintien de la paix.
« Depuis 2017, j'ai cessé d'aller à l'école. Ce n'est que maintenant que j'ai recommencé à apprendre. J’ai appris à écrire et je suis très heureuse. Je n'ai pas pu continuer à aller à l'école parce que mes parents n'avaient pas d'argent pour payer ma scolarité. J'ai réessayé quand j'étais plus âgée, mais j'ai arrêté peu après. J'avais honte parce que j'étais plus âgée que les autres élèves. Maintenant que j'apprends moi-même, je peux aussi enseigner à mes enfants. En apprenant à compter, je peux calculer mes cycles menstruels et je peux gérer l'économie de mon foyer. Je peux aussi parler avec d'autres femmes de ma communauté et transmettre mes connaissances. J'aimerais qu'il soit possible d'avoir des cours plus longs, pour devenir encore plus à l'aise en français. » Stevia, 25 ans et actuellement inscrite au cours d'alphabétisation dispensé par ACP avec le support financier d’Oxfam à Batangafo.À Oxfam, nous plaçons les droits des femmes au cœur de tout ce que nous faisons. Ceci, afin de favoriser des changements transformationnels, pour les femmes comme pour les hommes, et de lutter contre les inégalités et les déséquilibres de pouvoir qui causent et sont causés par la pauvreté et l'inégalité sociale. C'est pourquoi un élément crucial de nos projets en RCA est l'alphabétisation des femmes, en particulier celles qui ont survécu à la violence basée sur le genre (VBG). Souvent accompagnés de sensibilisation sur les notions basiques de droits humains, de micro-financements et de formations complémentaires pour le développement d'activités génératrices de revenus (AGR), nous sommes convaincus que donner aux femmes l'accès à la connaissance et leur permettre d'apprendre dans un environnement sûr peut faire une grande différence. En fin de compte, le véritable objectif de l'éducation est de libérer les gens des inégalités, de l'oppression et de créer ainsi de sociétés fondées sur le respect mutuel et la solidarité.
Augustine, 48 ans démontre ses talents de calcul. ©Diletta Salviati/Oxfam « Je ne suis jamais allé à l'école, ma mère non plus. Après avoir subi des violences domestiques, j'ai rejoint le cours. Ma motivation est que si j'apprends à lire, je serai capable de lire la Bible par moi-même. Je n'avais pas conscience de l'importance de l'éducation, mais après avoir commencé le cours, j'ai inscrit mon fils à l'école. » Augustine, 48 ans et actuellement inscrite au cours d'alphabétisation dispensé par ACP avec le soutien de Oxfam à Batangafo.L'égalité aujourd'hui pour un avenir durable doit répondre à la fois aux causes et aux conséquences de l'inégalité. Pour cela, il serait essentiel en RCA de garantir l’accès égal à une éducation de qualité pour les filles et à l’alphabétisation fonctionnelle pour les femmes adultes qui n’ont pas eu l’opportunité d’aller à l’école. Cela est encore plus crucial pour les femmes qui ont subi des violences et ont été abandonnées ou ont fui leur foyer pour se protéger. L’éducation permettra d'obtenir des changements à la fois immédiat et durable pour les femmes et les filles, qu'il s'agisse de l'indépendance économique, de la possibilité de sortir des situations domestiques dangereuses et violentes ou d'une participation accrue à la prise de décision, et pour la société centrafricaine dans son ensemble, car une société plus équitable et plus juste bénéficiera à toute la RCA.
Stevia, Slass et Augustine montrent leur travail extraordinaire. ©Diletta Salviati/Oxfam*NB: Les noms des personnes mentionnées dans l'article ont été modifiées.
Grace à l’appui financier de BHA/OFDA, ECHO, FH, SIDA, et BMZ, en 2021 1500 survivantes des VBG à Paoua, Batangafo, Bria et Bangassou ont participé aux cours d’alphabétisation mis en œuvre par des organisations locales avec l’appui de Oxfam.