Nabal Guipera: « Dans trois mois, ce sera vraiment très difficile de se nourrir »
Nabal a reçu des bœufs pour récolter les champs de son groupement, au sud de Paoua, dans le nord-ouest de la RCA. © Aurélie Godet/Oxfam RCA
Je suis Nabal GUIPERA, j’ai 33 ans et je suis père de huit enfants, dont deux garçons et six filles.
Avec ma famille, nous habitons près de Bambara, un village à 27 km au sud de Paoua [ndlr : dans le nord-ouest de la RCA]. Notre communauté vit à côté d’un centre de recherche agricole. Nos parents étaient des agriculteurs, et nous aussi. Ici à Bambara, il y a une bonne cohabitation entre les habitants.
Avec la confirmation des cas positifs au coronavirus en RCA [ndlr: 3099 cas positifs au 24 juin 2020], et les mesures mises en place par le gouvernement [ndlr: Pour contenir la pandémie (déclarée le 14 mars en RCA), le gouvernement a pris des mesures dès le mois de mars, telles que la fermeture des frontières ou des restrictions en terme de distanciation sociale, notamment dans les transports en commun. Pas de confinement général, craint par la population et estimé comme inapplicable], cela a totalement changé les habitudes de notre communauté. Même en étant agriculteurs ici au village, nous sommes victimes. Nos enfants ne vont plus à l’école. Les commerçants qui venaient souvent acheter les produits agricoles sont devenus rares. Les prix des produits de première nécessité ont augmenté. Aussi, par manque de moyens, on ne va plus au centre de santé. Pour moi, le coronavirus est une maladie qui bloque toute activité. Avant on mangeait ensemble, maintenant on ne se fréquente plus comme d’habitude. Parfois même, si on refuse de se saluer avec la main, c’est une source de mésentente.
Généralement, les périodes les plus difficiles de l’année sont les périodes de semis (au moment où les gens ont tout semé), vers juillet-août. Mais cette année, c’est précoce ! Nous la vivons déjà depuis avril.
Pour moi agriculteur, c’est le moment où il y a des mésententes dans la famille. Cela nous stresse et le moindre service demandé provoque des tensions. Nous diminuons les repas, et nous tombons plus souvent malades alors que nous avons besoin d’énergie pour exploiter les champs.
Avec le coronavirus, nous ne pouvons plus travailler en groupe aux champs ! De plus, comme nous ne vendons pas assez de produits agricoles, nous n’avons pas une main d’œuvre suffisante pour les différentes activités, comme le sarclage. Les rendements ne seront pas suffisants pour couvrir toute l’année. Dans trois mois, ce sera vraiment très difficile de se nourrir.
Nabal récolte de l'arachide dans le champ de son groupement, au sud de Paoua, dans le nord-ouest de la RCA. © Aurélie Godet/Oxfam RCA
Avec ma famille, depuis qu’il y a le coronavirus, on se sent de plus en plus isolés de la communauté
Avant, on mangeait deux à trois fois par jour. On se rendait parfois chez les parents, et il y avait un peu de choix. Avec le coronavirus, nous ne mangeons plus qu’une fois par jour. Et c’est toujours la même chose : de la pâte de manioc avec des feuilles de manioc et du sel. Parfois, nous allons nous coucher sans avoir mangé de la journée.
Avant, on pratiquait l’agriculture manuellement. Cela nous prenait beaucoup de temps et nous épuisait énormément. Avec le projet Oxfam, c’est maintenant plus facile. Nous avons des bœufs de trait, des accessoires de traction et des semences de niébé et de sésame.
Cette année, nous avons reçu des semences de niébé (300Kg) et de sésame (20kg). Cela a permis à notre groupement, dénommé « Le libérateur », d’avoir des semences pour la campagne en cours. S’il pleut suffisamment, la récolte pourra aider à combler les manques de nourriture et de semences.
Mon espoir est que le coronavirus disparaisse... et que la vie redevienne normale.
Soyons solidaires, unis et forts pour faire obstacle au coronavirus.
La réponse d'oxfam
La République centrafricaine (RCA) se classe au dernier rang sur 117 dans l'indice de la faim dans le monde, avec une personne sur deux en situation d'insécurité alimentaire et près de 1 million de personnes estimées au bord de la famine. La rareté des ressources alimentaires est une cause et une conséquence des conflits. Des milliers d'agriculteurs ont été contraints d'abandonner leurs fermes ou de regarder leurs récoltes et leur bétail brûler. Les Casques bleus doivent surveiller les femmes qui ramassent du bois et de l'eau pour subvenir aux besoins de leur famille.
La pandémie de coronavirus aggrave encore cette double crise. La réduction des transports et la fermeture partielle des frontières avec le Cameroun et la République démocratique du Congo ont entraîné une flambée des prix des produits alimentaires importés - le coût du riz et des haricots a augmenté de 80% depuis l'année dernière. Les produits de production locale, tels que le maïs, le manioc et le sorgho, ont également augmenté de près de 50 % en avril par rapport au même mois l'an dernier.
Oxfam a intensifié ses opérations en RCA pour répondre à la crise du COVID-19, aidant ainsi plus de 54 000 personnes avec de la nourriture et des semences, ainsi que des masques en savon et en tissu.
Près de Paoua, dans le nord-ouest de la RCA, Nabal Guipera dirige un groupe multiplicateur de semences. Il bénéficie de l'aide d'Oxfam pour les bœufs de trait, les accessoires de traction et les graines de niébé et de sésame. Un projet soutenu par BMZ (Allemagne).