Le jour où nous danserons : Sylvie en République centrafricaine

La série « Le jour où nous danserons » est illustrée par l'artiste Sophie Le Hire

La série « Le jour où nous danserons » est illustrée par l'artiste Sophie Le Hire

« Les groupes armés choisissent leur cible. Le coronavirus, s’il vient à Batangafo, il détruira tout ce qui reste sur son passage. »

Je m’appelle Sylvie, j’ai 31 ans. Je vis avec mon mari et mes cinq enfants (deux filles et trois garçons) dans mon quartier à Batangafo, non loin du site des déplacés où nous avons vécus un an. Les dernières années de conflit n’ont laissé que peu d’infrastructures, et beaucoup de personnes déplacées. 

Pour vivre, nous faisons des travaux champêtres. Je suis aussi bénévole dans un comité de protection communautaire à Batangafo, appuyé par Oxfam. 

Quand les groupes armés ont brûlé ma maison en novembre 2017, j’ai tout perdu. Sur le site de personnes déplacées, j'ai vu des femmes et des filles effrayées d’aller chercher de l’eau ou de se rendre aux champs, de peur de se faire agresser ou violer sur le chemin. 

J’ai intégré le comité de protection communautaire car je voulais soutenir les victimes. Nous organisons des sensibilisations sur les droits des femmes et des enfants et nous aidons les victimes de violences sexuelles ou physiques. La plupart des cas sont des viols, des accusations de sorcellerie sur les vieilles mamans, ou des jeunes garçons torturés par des groupes armés. Nous les dirigeons vers l’hôpital, nous assurons un suivi et nous veillons à ce qu’ils ne soient pas stigmatisés. 

Un jour, mon petit frère est venu à la maison avec Aimé*, un jeune de 26 ans. Je savais qu’il faisait partie des groupes armées, alors j’ai commencé à lui parler. Il a pris les armes par vengeance après que ses parents aient été tués par des groupes armées. Trois ans plus tard, alors qu’il était sorti de la brousse, je l’ai aidé à réaliser que même ses cinq jeunes frères et sœurs avaient peur de lui. Ça l’a rendu triste, et il ne voulait pas mourir lors d’un combat comme certains de ses amis. Il a donc déposé les armes et continue à venir chaque semaine aux sensibilisations du comité de protection communautaire. J'espère que ça servira d’exemple à d’autres jeunes combattants qui hésitent à regagner la ville. 

Ma nièce a été violée l’année dernière. Il faut que cela cesse ! Je ne veux plus voir la souffrance des femmes. Je veux que la paix revienne à Batangafo. Et en RCA, mon pays. 

* Le nom a été changé dans le texte

Propos recueillis par Aurélie Godet, Oxfam en République centrafricaine. 

Découvrez les autres récits de la série Le jour où nous danserons sur le site d'Oxfam en Afrique de l'Ouest.

Le jour où nous danserons : Voix de femmes au coeur des conflits en Afrique de l'Ouest et du Centre

C’est le silence au cœur du désert, des savanes et forêts du Sahel et de la Centrafrique. La musique a cessé, emportant avec elle l’allégresse des jours meilleurs. Que ce soit au Mali, au Niger, au Burkina Faso ou en Centrafrique, la peur pétrifie tout le monde sur deux fronts : d’abord là où les groupes armés dévastent des villages, faisant fuir plus de 5 millions de personnes dans la région.  Le second - et plus récent - danger est la montée du coronavirus, qui a atteint 5420 personnes et fait 219 morts1 dans ces quatre pays, suscitant la peur et l'incertitude parmi la population. 

Et pour beaucoup de femmes, les partenaires de danse ont disparu. Les hommes en âge de travailler ont été tués par des groupes armés, ont disparu ou sont partis en quête d’un avenir meilleur dans une autre région, ou même à l’étranger. Au Burkina Faso, les femmes et les enfants représentaient 84% des populations déplacées en mars dernier 2. Les femmes se retrouvent dans des conditions extrêmement précaires à lutter pour leur survie et celle de leur entourage. Plusieurs portent les cicatrices d’un acte de violence, d’un viol. En Centrafrique, une femme est victime de violence presque toutes les heures. 

Nous sommes allées à la rencontre de ces femmes sahéliennes et centrafricaines. Elles sont des centaines de milliers, déplacées ou communautés hôtes, survivantes, héroïnes, qui attendent que la musique reprenne dans leur vie.  À défaut de chanter, il leur reste la voix. Pour raconter. Et l’espoir, pour imaginer un autre avenir. 

La réponse d'Oxfam

Au Sahel et en République centrafricaine, Oxfam apporte une aide humanitaire et mène des actions de plaidoyer en faveur des populations impactées par ces crises humanitaires de grande ampleur. Au cœur de ces crises, les femmes et les filles sont les plus exposées et il est fondamental que leurs besoins spécifiques et leur protection soient au cœur des réponses humanitaires.  Les femmes jouent également un rôle majeur dans le développement de la cohésion sociale et la construction de la paix. 

Oxfam et ses partenaires locaux apportent une aide humanitaire à plus de 400.000 personnes déplacées internes (PDI) et communautés hôtes dans la région, en matière d’aide alimentaire, d’accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement et pour protéger les plus vulnérables, en particulier les femmes et les filles. Oxfam travaille également au côté des communautés dans des programmes de transformation des conflits afin de favoriser des dialogues transfrontaliers et l’inclusion des femmes et des jeunes dans la recherche de solutions aux conflits et de construction de la paix. 

Depuis l’arrivée du coronavirus, Oxfam adapte ses programmes pour protéger les plus pauvres et vulnérables contre cette nouvelle menace. Nous distribuons également des kits d’hygiène (savon, douches, latrines) aux écoles et aux professionnels de la santé, agissons pour que les communautés aient accès à l’eau et à des toilettes propres et sûres, qu’elles soient écoutées et au cœur des actions de prévention, notamment par la compréhension et l’adoption de mesures barrières.

Une série créée par des femmes

Ces six récits ont été recueillis par une équipe de femmes, travailleuses humanitaires chez Oxfam. Nous les accompagnons d’illustrations créées par l’artiste Sophie Le Hire, qui habite au Sénégal depuis quatre ans et qui, dans sa démarche artistique, porte en particulier avec fierté la voix des femmes, qu’elle considère comme des «géantes». En juxtaposant deux styles, elle illustre la réalité du présent et le rêve d’avenir de ces femmes.

Découvrez son processus de création dans cette vidéo.