Philippe Albakouss : « Avec le coronavirus, la vie est devenue dure et même trouver à manger est difficile »

Philippe récolte du sésame dans le champ de son groupement agricole à Bria, dans le centre de la RCA. © Aurélie Godet/Oxfam RCA

Philippe récolte du sésame dans le champ de son groupement agricole à Bria, dans le centre de la RCA. © Aurélie Godet/Oxfam RCA

"Je suis optimiste ! Le coronavirus va disparaître, et notre association deviendra une coopérative."

Je m’appelle Philippe ALBAKOUSS. J’ai 61 ans.

Je suis de la communauté musulmane et d’ethnie Youlou. J’ai créé une association qui s’appelle UGAP (l’Union des groupements agro-pastoraux) qui regroupe plusieurs communautés. Je vis dans le quartier Mandé 3, à Bria [ndlr: dans le centre de la RCA]. Pour le moment, la vie est difficile à cause des violences et de l’insécurité. En décembre, nous n’avons pas pu récolter le sésame assez tôt. Nous n’avons pas eu accès aux champs pendant trois semaines, le sésame est devenu trop mûr... et nous avons perdu près de la moitié de la récolte !

Le coronavirus a bouleversé notre communauté. De nos jours, pas de regroupements aux funérailles, au baptême d’un enfant, ou au mariage.

Les périodes difficiles de l’année pour la faim sont les périodes de soudure. Elles durent habituellement de mai à septembre, quand tout est semé et qu’on attend les récoltes. Nous mangeons moins, nous gagnons moins d’argent et les enfants ne vont pas à l’école. J’explique à ma famille l’importance du respect des mesures barrières pour que nous ne soyons pas contaminés.

Pour le moment, nous avons fini le semis et le premier sarclage de l’arachide et du maïs. Mais depuis qu’il y a des cas confirmés de Covid-19 à Bria [ndlr: 11 cas confirmés au 25 juin 2020], nous avons peur. Les activités en groupement ne seront plus possibles et l’entretien des parcelles va être très difficile. On risque d’avoir de mauvaises productions. De plus, c’est difficile d’obtenir de la nourriture car les denrées sont très chères sur le marché à cause de la limitation des mouvements et la fermeture des frontières.

On voit moins de monde, et les enfants se sentent comme s’ils étaient en prison. Avant le coronavirus, on mangeait ensemble sur une même table. Maintenant, nous sommes obligés de manger séparément. C’est vraiment difficile. Nous mangeons surtout des termites, des champignons et des légumes, mais aussi les vivres donnés par les ONG. Nous mangeons une seule fois par jour.

A Bria, Oxfam s'assure que tout se passe bien au champ du groupement agricole de Philippe, dans le centre de la RCA. © Aurélie Godet/Oxfam RCA  

L’appui en semences, les outils, et la ration de protection nous ont bien aidés car pendant un certain temps nous avons pu manger deux fois par jour. Nous avons consommé une partie des récoltes, vendu une petite quantité, et gardé des semences que nous avons utilisées cette année.

Les mois prochains vont être difficiles ! Avec le coronavirus, la vie est devenue dure et même trouver à manger est difficile.

Je suis optimiste ! Le coronavirus va disparaitre, et notre association deviendra une coopérative. Avec le temps et l’appui de nos partenaires, nous serons capables de produire davantage... et j’espère que Bria, ma ville, deviendra exemplaire pour la sécurité alimentaire.

Ne nous oubliez pas ! Soutenez la population centrafricaine, qui bien avant le coronavirus souffrait déjà du manque d’eau et de nourriture.

La réponse d'oxfam

La République centrafricaine (RCA) se classe au dernier rang sur 117 dans l'indice de la faim dans le monde, avec une personne sur deux en situation d'insécurité alimentaire et près de 1 million de personnes estimées au bord de la famine. La rareté des ressources alimentaires est une cause et une conséquence des conflits. Des milliers d'agriculteurs ont été contraints d'abandonner leurs fermes ou de regarder leurs récoltes et leur bétail brûler. Les Casques bleus doivent surveiller les femmes qui ramassent du bois et de l'eau pour subvenir aux besoins de leur famille.

La pandémie de coronavirus aggrave encore cette double crise. La réduction des transports et la fermeture partielle des frontières avec le Cameroun et la République démocratique du Congo ont entraîné une flambée des prix des produits alimentaires importés - le coût du riz et des haricots a augmenté de 80% depuis l'année dernière. Les produits de production locale, tels que le maïs, le manioc et le sorgho, ont également augmenté de près de 50 % en avril par rapport au même mois l'an dernier.

Oxfam a intensifié ses opérations en RCA pour répondre à la crise du COVID-19, aidant ainsi plus de 54 000 personnes avec de la nourriture et des semences, ainsi que des masques en savon et en tissu.

A Bria, au centre de la RCA, Philippe Albakouss dirige un groupe agricole. Il bénéficie de l'aide d'Oxfam pour les semences, les outils et les rations de protection. Un projet soutenu par l'Union européenne (ECHO).