De l’eau en continu pour les 50 000 déplacés de PK3

18 juillet 2019 - Des familles viennent remplir leurs bidons à un point d'eau. Le réseau gravitaire installé par Oxfam permet de fournir de l'eau aux 50 000 déplacés du site PK3 de Bria, dans le centre de la RCA. © Aurélie Godet/Oxfam

18 juillet 2019 - Des familles viennent remplir leurs bidons à un point d'eau. Le réseau gravitaire installé par Oxfam permet de fournir de l'eau aux 50 000 déplacés du site PK3 de Bria, dans le centre de la RCA. © Aurélie Godet/Oxfam

Depuis le 27 mars 2019, les 50 000 personnes déplacées du site PK3 de Bria ont de l’eau potable en permanence. Un réseau de distribution d’eau, dit gravitaire, y a été installé par Oxfam. C’est le plus grand destiné à un camp de déplacés en Centrafrique, un pays qui fait face à une véritable urgence en termes de capacité d’approvisionnement d’eau depuis la crise de 2013.

« Ngou-nzapa ! ». C’est la saison des pluies en Centrafrique. Les gouttes qui tombent du ciel sont appelées « eau de Dieu » dans la langue nationale, le sango. A Bria, en plein coeur du pays, elles s’écrasent sur la route de latérite qui sépare la ville du camp de déplacés. Trois kilomètres qui longent des ruines. Plus de 50 000 personnes s’agglutinent autour d’une base des forces de maintien de la paix des Nations unies (la Minusca). L’eau, si sacrée, est devenue rare. L’assistance humanitaire a donc dû être repensée. Et l’idée de mettre en place un réseau gravitaire s’est imposée.

18 juillet 2019 - Des femmes viennent remplir leurs bidons à un point d'eau. Le réseau gravitaire installé par Oxfam per-met de fournir de l'eau aux 50 000 déplacés du site PK3 de Bria, dans le centre de la RCA. © Aurélie Godet/Oxfam

Du water-trucking au réseau gravitaire

Au point d’eau de la coordination, seule une dizaine de personnes sont venues remplir leurs bidons. Il y a peu de monde, et c’est bon signe. Les files d’attente appartiennent au passé. Alphonsine Ndakala gère énergiquement les allées et venues. « Avant, l’approvisionnement se faisait par water-trucking (camions citernes). Les robinets n’ouvraient pas avant 8h, et les gens pouvaient attendre jusqu’à trois heures avant de pouvoir remplir un bidon. Beaucoup de bagarres éclataient. Et parfois, les groupes armés s’en mêlaient », explique cette jeune mère de quatre enfants, qui a fui sa maison il y a deux ans. Les robinets ouvrent désormais dès 5h du matin, et l’eau potable coule environ jusqu'à 17h.

A la création du site des déplacés en mai 2017, les acteurs humanitaires, dont Oxfam, acheminaient environ 400 m3 d’eau par jour à l’aide de camions citernes. Une réponse d’urgence difficilement tenable sur le long terme, en particulier à cause des problèmes d’acheminement causés par l’état des routes et la présence des groupes armés. Surtout, la population du site a plus que doublé l’année dernière lorsque 30 000 personnes supplémentaires ont fui les combats et s’y sont installées. Le réseau gravitaire a donc permis de répondre à cette crise en doublant les capacités d’approvisionnement en eau. « Au début, chaque personne pouvait avoir jusqu’à 16 litres d’eau potable par jour, au-delà de la norme internationale des 15 litres en situation d’urgence ! », s’exclame Isaac Nyengue Bahanak, chargé Wash (eau, assainissement et hygiène) d’Oxfam à Bria. Mais ce chiffre a dû être revu à la baisse (environ 13 litres) après le vol d’une moto-pompe en juin dernier.

19 juillet 2019 - Du personnel Oxfam vérifie le taux de chlore de l'eau. Une fois purifiée, elle alimentera les 50 000 personnes déplacées du site PK3 de Bria, dans le centre de la RCA. © Aurélie Godet/Oxfam

L’eau de la rivière Samba

Malgré ce malheureux événement, le système demeure largement efficace. Mathias Yerinaba est venu remplir son bidon d’eau. Installé sur le site depuis deux ans avec sa famille, ce sexagénaire témoigne : « Au début, les conditions étaient vraiment difficiles. Quand on ne voulait pas attendre, on se rendait à la rivière. Beaucoup parcouraient de très longues distances pour chercher de l’eau ». Ce qui n’est jamais sans risque pour les femmes et les jeunes filles, exposées aux agressions sexuelles sur le chemin. La rivière Samba était également porteuse de maladie. « Je suis tombé malade, mes enfants aussi », confirme Mathias. Le réseau gravitaire permet ainsi, selon l'expert Wash d’Oxfam, de « limiter les maladies diarrhéiques ».

La nouvelle installation est pourtant alimentée par la rivière Samba. « Les premiers jours, les gens étaient sceptiques car ils pensaient que l’eau de la rivière coulait directement des robinets ! », confie Isaac. Mais le processus est bien rôdé. A la station de pompage, seul le moteur des générateurs vient perturber le calme du cours d’eau. « L’eau est pompée, puis après avoir décanté, elle est purifiée et désinfectée. Une fois propre, deux pompes volumétriques, chacune d'une capacité de 50m3 par heure, la refoulent vers le site via un réseau souterrain de 2 km », détaille-t-il. L’eau est ensuite stockée dans trois réservoirs puis distribuée, via un réseau de 800 mètres de long, à neuf points de distribution. Pour un total de 144 robinets.

18 juillet 2019 - Une équipe veille au bon fonctionnement d'un point d'eau. Le réseau gravitaire installé par Oxfam permet de fournir de l'eau aux 50 000 déplacés du site PK3 de Bria, dans le centre de la RCA. © Aurélie Godet/Oxfam

Le retour dans les quartiers

Mis en œuvre par Oxfam, le réseau gravitaire devra à terme être géré par la ville de Bria. Le Maire, M. Maurice BALEKOUZOU, s’en réjouit : « je recevais au moins une plainte par jour concernant l’eau, mais depuis mars, plus rien ! ». Il souhaiterait désormais que les ONG et les bailleurs internationaux financent et organisent davantage le retour des déplacés dans leur quartier. Au total, quelques 90 000 personnes ont fui à Bria et veulent retrouver leur maison, mais vivent dans la peur. Le chef-lieu de la Haute-Kotto, situé à 600 km au nord-est de Bangui, est encore disloqué par les groupes armés. Les nombreuses mines de diamant de la région y sont pour beaucoup. Tenir Bria « la scintillante » est stratégique.

La Centrafrique, pays de 4,6 millions d’habitants, est classé parmi les plus pauvres au monde depuis qu’il a basculé dans la violence en 2013. Aujourd’hui, le conflit s’enlise et les civils paient le prix fort. Plus de 575 000 personnes ont fui la violence à l’intérieur du pays, et 600 000 sont réfugiées dans des pays voisins. Selon les Nations Unies, en 2019, 1,36 millions de personnes nécessitent une assistance pour couvrir leurs besoins en eau.

19 juillet 2019 - De l'eau est pompée de la rivière Samba. Une fois purifiée, elle est refoulée sur le site des déplacés PK3 de Bria, dans le centre de la RCA. © Aurélie/Oxfam

 

Ce projet de réseau de distribution d’eau, qui a coûté environ 450 000 euros, n’aurait pu voir le jour sans la contribution des bailleurs de fonds des Nations Unies (FH), de l’Union Européenne (ECHO), ainsi que du gouvernement américain (OFDA), de la France (MEAE) et du Royaume-Uni (DFID).

 

Texte et photos : Aurélie Godet /Oxfam

Publié le 12/11/2019