Le jour où nous danserons : Rosalie en République centrafricaine
La série « Le jour où nous danserons » est illustrée par l'artiste Sophie Le Hire
Je suis Rosalie Kobo-Beth de la République centrafricaine (RCA), secrétaire générale de l’Association des Femmes Juristes Centrafricaines, et porte-parole de la plateforme des jeunes femmes I Londo Awè (Nous sommes déjà debout, en sango). J’ai 33 ans, je suis célibataire et mère de deux enfants.
Avec I Londo Awè, nous luttons pour que les femmes soient au cœur du processus de paix en RCA, en recherchant la parité au sein de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation (CVJRR).
Avec l’apparition du coronavirus, nous militons depuis mars pour que des mesures d’accompagnement soient mises en place suite aux mesures de prévention prises par le gouvernement pour contenir la propagation du virus.
La RCA est un pays enclavé avec une situation de pauvreté avancée. Avec la COVID-19 en plus, tout empire ! La fermeture des frontières et les mesures de distanciation sociale font que les prix augmentent. Le savon est plus cher (passé de 150F à 250F), tout comme le taxi (250F au lieu de 150F) car on ne peut plus être que trois personnes au maximum dans le véhicule.
Alors avec I Londo Awè, nous militons pour que les populations fragilisées, surtout les femmes, soient aidées. Que tout le monde puisse avoir un kit de lavage des mains avec de l’eau et du savon à un prix abordable, ce serait déjà une bonne chose !
Vous savez, beaucoup ne croient pas que le coronavirus existe en RCA. Moi j’y crois. Quand tu arrives chez moi, on te salue à distance et on te dirige vers le lavage des mains. Quand je vais au bureau, je mets mon cache-nez. Et quand je rentre de ma journée de travail, mes enfants me disent : « Maman, lave-toi les mains ! ». Je sensibilise autour de moi.
Défendre les intérêts des femmes est vraiment important dans le contexte de la RCA, et par rapport à mes réalités personnelles. Le poids des coutumes et des traditions pèse sur les femmes, et elles n’arrivent pas à prendre la parole.
J’ai moi-même subi la marginalisation et la sous-estimation. Mon entourage pense que tout ce que je fais, ce sont les études et le travail, et que la vie de couple et de famille ne m’intéresse pas. En tant que femme intellectuelle, on pense que je ne veux pas fonder un foyer. C’est très difficile pour moi.
Au niveau professionnel, c’est même pire. Quand tu as beaucoup de responsabilités, et qu’en plus tu es célibataire, beaucoup estiment que tu as un caractère très dur, trop dur même. Tu es méprisée en tant que femme et tu dois défendre ton honneur, ce n’est pas normal.
Ce qui m’aide à tenir, c’est de rester fixée sur mon objectif : devenir une personnalité publique. J’espère qu’un jour ce rêve se réalisera, et que je pourrai prendre de grandes décisions pour changer la vie des femmes dans mon pays.
Propos recueillis par Aurélie Godet, Oxfam en République centrafricaine.
Découvrez les autres récits de la série Le jour où nous danserons sur le site d'Oxfam en Afrique de l'Ouest.
Le jour où nous danserons : Voix de femmes au coeur des conflits en Afrique de l'Ouest et du Centre
C’est le silence au cœur du désert, des savanes et forêts du Sahel et de la Centrafrique. La musique a cessé, emportant avec elle l’allégresse des jours meilleurs. Que ce soit au Mali, au Niger, au Burkina Faso ou en Centrafrique, la peur pétrifie tout le monde sur deux fronts : d’abord là où les groupes armés dévastent des villages, faisant fuir plus de 5 millions de personnes dans la région. Le second - et plus récent - danger est la montée du coronavirus, qui a atteint 5420 personnes et fait 219 morts1 dans ces quatre pays, suscitant la peur et l'incertitude parmi la population.
Et pour beaucoup de femmes, les partenaires de danse ont disparu. Les hommes en âge de travailler ont été tués par des groupes armés, ont disparu ou sont partis en quête d’un avenir meilleur dans une autre région, ou même à l’étranger. Au Burkina Faso, les femmes et les enfants représentaient 84% des populations déplacées en mars dernier 2. Les femmes se retrouvent dans des conditions extrêmement précaires à lutter pour leur survie et celle de leur entourage. Plusieurs portent les cicatrices d’un acte de violence, d’un viol. En Centrafrique, une femme est victime de violence presque toutes les heures.
Nous sommes allées à la rencontre de ces femmes sahéliennes et centrafricaines. Elles sont des centaines de milliers, déplacées ou communautés hôtes, survivantes, héroïnes, qui attendent que la musique reprenne dans leur vie. À défaut de chanter, il leur reste la voix. Pour raconter. Et l’espoir, pour imaginer un autre avenir.
La réponse d'Oxfam
Au Sahel et en République centrafricaine, Oxfam apporte une aide humanitaire et mène des actions de plaidoyer en faveur des populations impactées par ces crises humanitaires de grande ampleur. Au cœur de ces crises, les femmes et les filles sont les plus exposées et il est fondamental que leurs besoins spécifiques et leur protection soient au cœur des réponses humanitaires. Les femmes jouent également un rôle majeur dans le développement de la cohésion sociale et la construction de la paix.
Oxfam et ses partenaires locaux apportent une aide humanitaire à plus de 400.000 personnes déplacées internes (PDI) et communautés hôtes dans la région, en matière d’aide alimentaire, d’accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement et pour protéger les plus vulnérables, en particulier les femmes et les filles. Oxfam travaille également au côté des communautés dans des programmes de transformation des conflits afin de favoriser des dialogues transfrontaliers et l’inclusion des femmes et des jeunes dans la recherche de solutions aux conflits et de construction de la paix.
Depuis l’arrivée du coronavirus, Oxfam adapte ses programmes pour protéger les plus pauvres et vulnérables contre cette nouvelle menace. Nous distribuons également des kits d’hygiène (savon, douches, latrines) aux écoles et aux professionnels de la santé, agissons pour que les communautés aient accès à l’eau et à des toilettes propres et sûres, qu’elles soient écoutées et au cœur des actions de prévention, notamment par la compréhension et l’adoption de mesures barrières.
Une série créée par des femmes
Ces six récits ont été recueillis par une équipe de femmes, travailleuses humanitaires chez Oxfam. Nous les accompagnons d’illustrations créées par l’artiste Sophie Le Hire, qui habite au Sénégal depuis quatre ans et qui, dans sa démarche artistique, porte en particulier avec fierté la voix des femmes, qu’elle considère comme des «géantes». En juxtaposant deux styles, elle illustre la réalité du présent et le rêve d’avenir de ces femmes.
Découvrez son processus de création dans cette vidéo.